Tous les carnavals historiques possèdent leurs propres récits et traditions. Le carnaval de Dunkerque, l’un des plus anciens de France, puise ses origines dans une tradition maritime locale : celle des marins partant pour de longues campagnes de pêche en Islande. Avant ce départ périlleux, une fête était organisée durant laquelle les hommes empruntaient les vêtements de leurs proches, faute d’habits disponibles.
Un concept central du carnaval dunkerquois est celui du grotesque. Il s’agit d’une exagération assumée, mêlant le comique, le monstrueux, le burlesque et l’incongru. Le but est de bousculer les normes établies. Cette démesure n’est pas gratuite : elle est libératrice. Elle permet d’explorer, de défier et de jouer avec les peurs, les tabous et les interdits. Le carnaval est un moment de suspension des normes sociales, morales et esthétiques. C’est un lieu de métissage, où tous les milieux se mêlent dans une ambiance de liberté, de tumulte et de transgression. Malgré son apparente anarchie, le carnaval reste hautement codifié, avec ses propres règles, figures symboliques et une forte implication du public, qui en est le véritable moteur.
Par sa série photographique Clet’che, Laure Ledoux explore l’énergie brute du carnaval de Dunkerque, perçu comme un espace de métamorphose du corps. Celui ci, au lieu d’être identifié, est vu comme matière vibrante, en mutation constante. La photographe ne s'attache pas à représenter des individus, mais à rendre visible ce dépassement de l’anatomie, cette libération du corps dans l’excès, le bruit, et le collectif. Ces photographies ne cherchent pas à documenter le carnaval, mais explore le potentiel de métamorphose du corps dans ce contexte. Laure Ledoux capte un moment-rituel, où les frontières de l’identité s’effacent, où le corps devient cri, résonance, intensité. Le carnaval y est présenté comme une scène de résistance, un espace où l’on interroge la condition corporelle et sociale à travers le déguisement.
Dans ce projet, il y a évidemment une portée particulière, comme l’est le carnaval de Dunkerque. C’est une de ces spécificités. Ce carnaval est un espace où le corps est réinventé dans l’excès. Derrière les masques, les participants se détachent de leur quotidien, laissant place à une transformation rituelle portée par la dynamique collective : la danse, le tumulte, la clameur.
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